Science et empirisme en éducation physique

André Beaudou, In J. –P. Saint-Martin, Histoire d’EPS, VIGOT, 2001.

 

 

« L’éducation intellectuelle a encore peu de bases psychologiques, mais l’éducation physique peut actuellement être établie sur les lois physiques et biologiques. Cette évolution est fatale, à moins qu’elle ne soit condamnée à rester indéfiniment entre les mains des empiristes[1] ».

Cette alternative concernant l’EP perdure-t-elle au cours du XXème siècle ?

 

 

Introduction. 1

Commentaire du texte de George Demenÿ. 1

Caractérisation de l’empirisme. 1

La situation de Demenÿ dans l’éducation physique au début du XXème siècle. 1

Problématique : persistance ou résolution de l’alternative EP scientifique- EP empirique ?. 2

Persistance et diversité des formes de l’empirisme en éducation physique qu cours du XXème siècle. 2

Hébertisme : l’empirisme comme opposition au positivisme. 2

L’empirisme de la Méthode française, l’empirisme du praticien. 2

Le courant sportif et le technicisme. 2

Les tendances scientifiques de l’EP au cours du siècle. 2

Le courant médical et hygiénique. 2

Les bases scientifiques de l’entraînement sportif 2

Les courants psychomoteurs. 2

Les volontés scientifiques de l’éducation physique à partir des années soixante. 2

Conclusion : utopie d’une EP scientifique, formation scientifique des enseignants, valeur de l’empirisme  3

 

Introduction

Commentaire du texte de George Demenÿ

Effectivement, au début du siècle on trouve déjà des travaux fondés sur des bases physiologiques, tandis que les premiers manuels d’A. Binet ne paraîtront qu’en 1911. L’EP aurait donc une longueur d’avance sur les autres disciplines scolaires. Or, Demenÿ emploie le terme de « loi », ce qui sous-entendrait que l’EP est rationnelle. En est-il nécessairement ainsi ? La relation entre la pratique d’enseignement et la science est à questionner.

Caractérisation de l’empirisme

Demenÿ emploie le terme « fatale », ce qui sous-entend que seule la science peut encore sauver l’EP. L’empirisme serait la cause de sa perte. L’empirisme est la connaissance produite de l’expérience. Souvent, on l’oppose à l’activité intellectuelle, elle prend alors une connotation péjorative. Au début du XXème siècle, L’EP est-elle empirique ? L’empirisme peut être lié à un manque de théorisation de l’EP, à la diversité de ses méthodes, mais aussi d’un manque de formation de ses enseignants.

La situation de Demenÿ dans l’éducation physique au début du XXème siècle

Le souci au début siècle concernant les contenus de l’EP est d’unifier les méthodes. L’éclectisme n’est-il pas porteur d’empirisme ?

Demenÿ œuvre à la fois comme :

Il oeuvre vraiment pour une EP scientifique.

Mais cette volonté est-elle suffisante pour enlever l’éducation physique des « mains des empiristes » ?

Problématique : persistance ou résolution de l’alternative EP scientifique- EP empirique ?

L’alternative : évaluation physique établie sur les sciences ou éducation physique empirique, perdure-t-elle au cours du siècle, ou bien l’un des deux prédomine-t-il à un moment donné ? Historiquement les ouvrages scientifiques ont œuvré pour l’EP or l’empirisme perdure toujours dans son enseignement.

Persistance et diversité des formes de l’empirisme en éducation physique qu cours du XXème siècle.

La place de l’empirisme peut être questionnée au long du siècle à travers les différentes méthodes qui n’ont pas revendiqué de fortes références scientifiques.

Hébertisme : l’empirisme comme opposition au positivisme

Cette méthode semble se situer dans le pôle de l’empirisme, en réaction à l’empirisme. Elle est selon G. Vigarello et M. Métoudi[2] d’irrationnelle, comportant un caractère anti-scientifique et anti-technique.

L’empirisme de la Méthode française, l’empirisme du praticien

La Méthode française, éclectique, rejoint le pragmatisme. L’enseignant par le caractère routinier de son travail développe un empirisme lié à son métier. Cet empirisme est fortement présent et inhérent à la nature du travail artisanal de l’enseignant.

Le courant sportif et le technicisme

Par son technicisme le courant sportif est porteur d’empirisme. Mais il ne peut se réduire à cela. Il fait référence au jeu et aux pédagogies actives. Il est donc alimenté de valeurs sociales et humanistes. Les Bases psychologiques de l’éducation physique (1935) de E. Loisiel, sont une référence de l’éducation nouvelle plus qu’à la psychologie comme science.

Les tendances scientifiques de l’EP au cours du siècle

 L’EP au cours du siècle s’est construite autour de bases scientifiques s’ajoutant au positivisme de Demenÿ. Or les pratiques d’enseignements inspirées des sciences se fondent sur des références scientifiques et sur l’empirisme des enseignements.

Le courant médical et hygiénique

Tout au long du XIX et XXème  la physiologie respiratoire peut être considérée comme référence de l’EP. Dans les IREP, avec A. Latarjet, les sciences biologistes ont une place importante puisqu’ efficace pour la santé et les résultats scolaires. La démarche sera reprise à Vanves. Les pédagogies néanmoins qui en découlent sont porteuses d’empirisme.

Les bases scientifiques de l’entraînement sportif

Les données de la physiologie de l’effort et les méthodologies de l’entraînement foncier sont certainement les références de type scientifique les plus opérationnelles en EP. A noter que la méthodologie de l’entraînement est une théorisation à l’intersection des sciences et des techniques, construite en partie sur le pragmatisme et l’empirisme des entraîneurs.

Les courants psychomoteurs

L’après guerre est marqué d’un renouvellement des références scientifiques s’opère. J. LeBoulch établit sa psychocinétique sur une diversité de référents scientifique ce qui rend difficile une démarche déductive dans la construction d’une EP.

Les volontés scientifiques de l’éducation physique à partir des années soixante

Dans la lutte contre l’éclectisme J. Leboulch tente de faire« Esquisse d’une méthode rationnelle et expérimentale d’EP » pour aller contre l’éclectisme. Les conceptions génétiques de la motricité sont aussi utilisées, ainsi que la psychanalyse notamment dans les pratiques d’expression. C’est une tendance vers un éclectisme scientifique. Parlebas propose de construire les « sciences de l’action », et témoigne : « l’EP sera scientifique ou ne sera pas » en 1971.

Les STAPS permet le rehaussement de la qualité scientifique de l’EPS mais les recherches se situent essentiellement sur les questions de la performance et du marché des APS, l’EP reste peu étudiée par la recherche universitaire.

La difficulté à transformer les connaissances scientifiques en réalité pédagogique, induit de nouveaux pragmatismes. Ce renouvellement des références scientifiques, qui a assuré une promotion symbolique de la discipline est aussi porteur de nouveaux empirismes.

Conclusion : utopie d’une EP scientifique, formation scientifique des enseignants, valeur de l’empirisme

Etablir l’EP sur des « lois » scientifiques relève d’une utopie positiviste.

Selon Piajet, « la psychologie de l’enfant peut multiplier les données de fait et nos connaissances sur le mécanisme du développement : ces faits ou ces idées ne rejoindront jamais l’école si les maîtres ne le sont pas incorporés jusqu’à les traduire en réalisations originales ».

Par rapport à la formulation de Demenÿ, la situation n’est plus la même depuis une vingtaine d’années car les sciences ont évolué pour diversifier. L’empirisme et le pragmatisme de l’enseignant sont un gage d’efficacité. L’EP ne s’en trouve pas « condamnée », il est imposé par l’enseignement.

 

 



[1] George Demenÿ, les bases scientifiques de l’éducation physique, Avant propos de la huitième édition, Félix Alcan, 1931, 1ère édition 1902, p.11.

[2] G. Vigarello et M. Métoudi, l’air du temps, 1980.